- so far away, but still so near,
the lights come up, the music dies. -

En ce samedi après-midi, Patty avait servit de baby-sitter pour Reed qui lui avait confié la petite. C'est en écumant la ville pour faire quelques emplettes et lui trouver des marrons chauds que la jeune femme arriva à organiser sa soirée. Cela faisait plusieurs jours qu'elle n'avait fait que croiser son colocataire et à dire vrai, il lui manquait terriblement. Certes, c'était totalement de sa faute. Mais ce soir, elle avait décidé de se faire pardonner et ce par tous les moyens. Après avoir acheté ce qu'il fallait pour la soirée, la jeune femme ramena la petite à son oncle avant de se rendre à l'appartement. Rick était sorti aujourd'hui, tant mieux, cela lui laissait le champ libre. Ni une ni deux, la rousse se mit au travail et disposa des dizaines de bougies un peu partout. Ce soir, ce serait ambiance pré-Noël et gourmandises. Cette période de l'année parlait beaucoup à la belle et elle désirait le partager avec lui. Après avoir sorti les derniers cookies aux raisins du four, la jeune femme eut juste le temps de se changer pour éviter qu'il ne voit le carnage qu'elle avait dû mettre dans la cuisine. Elle savait qu'il ne rentrait jamais après l'heure du souper mais cela suffirait pour avoir l'ambiance voulue. Fière de son travail, la jeune femme jeta un dernier coup d’œil autour d'elle pour être certaine de n'avoir rien omis. Les gourmandises étaient disposées sur la petite table du salon, les bougies allumées pour une ambiance cosy, un vin chaud fumait dans la cuisine et une odeur de cannelle flottait dans tout l'appartement. Lorsque Rick passa la porte d'entrée, la rouquine se tenait déjà en face de lui, les bras écartés. - Surpriiiiiise. - Le sourire tiré jusqu'aux oreilles, la jeune femme s'approcha en sautillant et lui déposa un baiser sur la joue sans se rendre compte qu'elle avait toujours des restes de chocolat sur le visage et qu'elle venait de lui en mettre également. - Ne dis rien, contente-toi de me suivre. - Après avoir balancé sa veste dans le couloir, elle le tira par le bras jusqu'au milieu du salon. - Ce soir, c'est films de Noël et vin chaud ! - La jeune femme lui déposa un gobelet de liquide épicé dans la main avant de lever le doigt pour lui faire signe d'attendre. Elle se dirigea vers la télévision et empoigna la télécommande. Après avoir allumé l'appareil, un feu de cheminée apparu à l'écran. - Tadaaaa - Tout sourire, une moue enfantine sur le visage. Patty se tourna vers le jeune homme. - Je n'ai pas été beaucoup là ces derniers jours, c'est pour me faire pardonner. Je sais que sans moi tu te laisses mourir sur le canapé. - Évidemment, elle plaisantait, mais son but était de lui transmettre la joie et l'excitation qu'elle ressentait en ce moment... car rien ne lui plaisait plus que de passer des instants comme celui-ci en sa compagnie. Elle voulait juste qu'il sache à quel point elle tenait à lui et à ce qu'il pouvait ressentir. - Ça te plaît ? J'espère que tu n'avais rien de prévu car ce soir tu m'appartiens. - Son air se voulait plus menaçant, mais la rouquine était incapable de garder son sérieux lorsqu'elle se trouvait avec lui. Ses prunelles illuminées croisèrent les siennes et son cœur se serra, soucieuse. - Ok, ça fait peut-être beaucoup de trucs gnagnans mais, je me suis dit que mon idée ne pouvait pas se faire à moitié. - Elle esquissa un petit sourire gêné en prenant conscience que l'appartement s'était légèrement transformé en salon qu'on voit dans les films de Noël, justement... mais elle en mourrait s'il l'abandonnait ce soir.

Rick, il traîne sa carcasse endolorie comme on traîne le monde. Dans la rue, il clopine, le souffle saccadé face à un effort oublié, face à une concentration redoublée. Cette fois-ci, il a pensé à prendre la canne recommandée par le médecin, après tout ses neuf ans d'études devraient le rassurer. En théorie. Mais rapidement, il sent son corps se glacer sous la fureur que lui procurent les regards alentours. Curiosité, pitié, et dieu seul savait quoi d'autre encore. Il en arrivait à oublier les démangeaisons, la brûlure continuelle de sa chair, et cette jambe qui n'avait plus rien d'une jambe. Mais la colère le quitta lentement, pour laisser place à une mélancolie désarmante. A quoi bon, après tout. Exploser en plein vol au beau milieu de la rue ne l'aiderait qu'à finir la journée sous cellule. Et il comptait rentrer, se noyer dans une bonne bouteille de whisky et enfumer ses poumons. Pour le reste, ça devrait attendre demain. Les mains moites après l'effort des escaliers, c'est avec un sourire de soulagement qu'il marque un arrêt devant la porte, à la recherche de ses clés. Et à peine la porte un peu poussée, c'est une Patty endiablée qui fait son apparition. Légèrement surpris -pour ne pas dire paniqué par la soudaineté de l'instant- il se laisse manipuler comme un enfant, abandonnant sa canne par là, dans l'entrée. Il porte une main perplexe à sa joue, et analyse la substance qu'elle affiche sur son visage. Du chocolat. Et c'est sans s'en rendre compte qu'il se retrouve avec un verre à la main, sa veste dieu sait où, et un feu de cheminée mimé à la télévision. Patty, dans toute sa splendeur. Et la raison pour laquelle il se félicitait chaque jour de l'avoir laissée entrer dans sa vie. - Bizarrement, j'me demande si j'ai pas plutôt envie de mourir là. - Elle avait gagné, la légèreté avait repris le dessus sur son âme, et ce poids de la fatalité s'était allégé en un sourire, pour ne plus exister. Patty aux allures de fée. La perspective de lui appartenir le séduisait, même si dans son esprit la possession prenait une toute autre mesure. Agréable vision, qu'il chassa rapidement. - J'ai bien trop peur que tu empoisonnes mes repas à l'avenir si je m'échappe, alors je suis tout à toi. - Et pour prouver sa bonne foi, il s'assoit sur le canapé, étendant sa jambe abîmée. Il lui saisit la main pour la faire le rejoindre à ses côtés, un sourire aux lèvres. - C'est ça que j'aime, chez toi. C'est parfait. - Il balaya du regard l'appartement devenu décor de noël, ne dissimulant pas à quel point il était impressionné. Ses iris s'arrêtèrent un instant sur les bougies, et une délicieuse impression d'instant romantique lui chatouilla le cœur. Si seulement. - Je propose de poster un toast. A la colocataire la plus bizarre, la plus dingue, mais de loin la meilleure que je connaisse. - Il lève son verre en son honneur, les yeux brillant, les lèvres frémissantes. Et dans un élan, il dépose un doux baiser sur son front, reconnaissant sans parvenir à en murmurer la formule magique. Un simple merci, qui vaut toute la reconnaissance du monde, et toute l'adoration qu'il ressentait.

Niveau entrée dans la matière, peut-être qu'elle y était allée un peu trop fort. La moue surprise et confuse que son colocataire afficha pendant les premiers instants ne l'avait pas rassurée. Mais après tout, s'il n'appréciait pas cette idée, Patty n'aurait qu'à tout remballer et aller bouder dans sa chambre. - Avant de mourir, goûte au moins ça. - Elle esquissa un petit sourire amusé en reniflant l'odeur de son vin chaud. Il sentait divinement bon et savait d'ores et déjà qu'il était délicieux étant donné qu'elle l'avait goûté elle-même une dizaine de fois. Ce qui expliquait sûrement une grosse partie de son enjouement en cet instant. Le vin lui était légèrement monté à la tête et elle avait l'impression d'être à un marché de Noël... où elle se serait arrêtée à tous les stands qui vendaient du vin. - Comme si j'étais capable d'une telle chose ! - Répondit-elle, une mine tragiquement offusquée sur le visage. Elle savait qu'il plaisantait et le voir aussi taquin lui donnait le sourire. Tant qu'il lui répondait, c'était qu'il se sentait bien avec elle. Patty commençait à le connaître par cœur... c'était limite flippant, d'ailleurs. Une fois installés sur le canapé, la rouquine porta son verre à ses lèvres. Toute cette agitation lui avait donné encore plus soif. - Tu ne dis pas ça pour me faire plaisir au moins ? - Murmura-t-elle d'une timide voix en le scrutant du coin des yeux, le regard brillant. - Ce que tu aimes chez moi, c'est le fait que je te nourrisse, avoue. - Elle ne put s'empêcher de rajouter une petite plaisanterie à ce moment privilégié qui devenait tout à coup plus intime. Dès qu'il s'agissait de Rick, elle se sentait maladroite, et semblait parfois sentir autre chose chose entre eux... une chose qui la déstabilisait toujours et qui ne disparaissait jamais, mais s'amplifiait. Surtout que l'alcool qu'elle avait dans le sang ne l'aidait pas du tout à garder un semblant de sérieux, à dire vrai. D'ailleurs, ses joues ne manquèrent pas de se tinter de rose lorsqu'il l'embrassa sur le front. - Je ne suis pas dingue. Toi tu l'es en m'ayant acceptée chez toi. Je n'y suis pour rien. - La rousse lui jeta un petit regard en coin, une moue innocente sur le visage. Il l'ignorait peut-être mais tous les compliments qu'il pouvait lui faire, toute la reconnaissance qu'elle lisait dans ses yeux, c'était son plus beau cadeau. Ses yeux. Des yeux qu'elle fixait depuis peut-être un peu trop longtemps. Pourquoi ils se jaugeaient de la sorte, d'un coup? Discrètement, elle cligna plusieurs fois des paupières et détourna le regard. Ce vin n'était peut-être pas une très bonne idée tout compte fait... - Tiens, mange ça et dis-moi qu'est-ce que j'ai loupé ces derniers jours. - Sans lui laisser le temps de choisir, elle s'empara d'un cookie et lui enfila direct dans la bouche. Ca l'occuperait deux minutes. - Je vais mettre un peu de musique. - Incapable de tenir en place ce soir -et surtout pas aussi proche de Rick- la belle se leva et se dirigea vers la stéréo pour chercher des musiques d'ambiance. Lui tourner le dos quelques instants lui permettrait certainement de se calmer un tant soit peu.

Patty avait été ce second souffle, cette accalmie après la tempête. L'instant revigorant d'un homme qui reprend espoir, et qui se laisse aller à de douces illusions. Comme la chose était agréable, après tant de temps passé dans l'obscurité la plus totale. Il avait oublié ce que cela faisait, de charmer, prendre soin, espérer. Et toutes ces choses, la jolie rouquine le lui servait sur un plateau d'argent. Il aimait, cette proximité avec elle, cette bulle de coton qui se formait autour de leurs êtres. Il n'y avait nulle vile tentation, nul nuage dans les étoiles. Rien que le feu de ses cheveux, le doux de son regard, l'appel de ses lèvres. Et il luttait contre ça, chaque jour, chaque instant depuis qu'il s'était réveillé un matin, entièrement emplit de sa présence. Sa jeunesse était un fardeau, un obstacle qu'il estimait infranchissable, hors société. Et pourtant, il s'autorisait à y croire, quelques secondes. Pour s'enlever le poids des souvenirs douloureux, pour faire lever le soleil sur ses jours miséreux. - J'suis pas un adepte des compliments gratuits, tu le sais. - Vite, chasser le rauque de sa voix, cette mélodie conquérante qu'il pensait éteinte à jamais. Et il lui était reconnaissant d'ajouter une pointe d'humour, de ne pas se laisser envahir par l'intimité de l'instant. Parce le vin coulait chaud et délectable dans son sang, euphorie qu'il appréciait, légèreté qu'il recherchait. - Les repas, le rangement, les idées folles, sans oublier le ménage. J'crois que c'est le choix le plus judicieux que je pouvais faire. - Quelle tentation que de glisser quelques remarques légèrement machistes. Même s'il devait avouer que du haut de sa jeunesse, elle avait tout d'une femme. Une femme qui honore, apaise les maux, réconforte par sa présence. Une femme dont les courbes enchantent, et que la promesse de volupté rendait irrésistible. Il se retrouva l'instant d'après avec un cookie entre les lèvres, une main devant sa bouche pour ne pas semer des miettes en pagaille. Qu'est ce qu'il disait, d'une grâce à toute épreuve cette enfant. Il s'appliqua à mâcher, laissant ses papilles se révolter sous le goût divin de la pâtisserie. - Malheureusement t'as rien -putain c'est bon- loupé. - Il arrosa l'ensemble de longues gorgées de vin chaud, et se retrouva tout ragaillardi, comme une seconde jeunesse. Son regard la suivit alors qu'elle s'éloignait, et l'envie de la rejoindre était irrésistible, poignante. Alors il se leva à son tour, en silence, et s'arrêta à quelques centimètres. Assez près pour se laisser enivrer par l'effluve sucrée de sa chevelure, assez près pour sentir sa chaleur le consumer. Il passa son bras devant elle, pour insérer un cd de son propre choix, son autre main s'appuyant sur sa hanche. Calum Scott restait son coup de cœur du moment, et sa voix chaude se pliait à merveille avec l'instant du moment. - C'est une affaire d'homme que de choisir la musique. - Il laissa un sourire éclairer son visage, avant de plonger ses iris dans celles de la belle. Il lui prit la main, l'attira vers lui, laissant son autre main occuper sa taille, s'en emparer. - Tu danses? - Et il savait que la dernière fois qu'il avait dansé, c'était avec elle. Avec Gill. Parce qu'elle aimait ça, et parce qu'il aimait le fait qu'elle aime ça. Depuis, il s'était abstenu, ne souhaitant pas réveiller ses anciens démons. Mais là, tout de suite, il se sentait serein, confiant. En paix. Grâce à elle.

- On dirait que tu es en train de parler des critères d'une boniche, là. - La rouquine arqua un sourcil et tenta de prendre un air excédé. Elle savait qu'il plaisantait, il était tout bonnement incapable de vivre sans elle désormais et la belle en était satisfaite. - Dis-toi surtout que si je fais tout ça c'est juste par pure politesse. - Il pouvait bien jouer les machos, Patty avait conscience qu'il avait besoin d'elle comme elle avait besoin de lui. Mais l'heure n'était pas à laisser son esprit vagabonder dans ces pensées-là. Pensées qui n'étaient pas saines pour la jeune femme, pensées qui allaient toujours de plus en plus loin, là où ils ne s'étaient pas aventurés et ne s'aventureraient certainement jamais. Patty n'était pas Gill. C'était juste Patty. Une jeune femme maladroite qui n'aurait jamais son port de tête ni son charisme. C'était une fille qu'on aimait pour sa folie, sa joie de vivre. Non pas parce qu'elle pouvait être sexy ou désirable. Là était comment la jeune femme se voyait. C'est certainement pourquoi elle préféra s'éloigner de lui quelques instants, prétextant vouloir mettre de la musique. - Bien sûr que c'est bon, c'est fait avec amour. - Répondit-elle avec dédain en levant le menton. - Tu veux me dire que pendant tous ces jours tu n'as pas bougé ton petit derrière d'ici ? Décidément, il y a du relâchement quand je ne suis pas dans les parages. - Tout en fouillant l'étagère à la recherche d'une musique, Patty gagnait un peu de temps, ayant apparemment besoin de lui tourner le dos quelques instants. Elle jeta un regard à son reflet dans la vitre et remarqua la grosse trace de chocolat qu'elle avait encore sur la joue. Surprise et gênée, elle entreprit de l'ôter, mais fut stoppée par son colocataire qui passait devant elle. Ne l'ayant pas vu venir, elle essuya un petit sursaut et le laissa faire. Cette proximité soudaine la troublait autant qu'elle en redemandait. Comme hypnotisée par ses iris, la jeune femme se laissa manipuler comme un pantin, incapable de refuser qu'il s'approche encore. Un frisson lui parcourut le dos lorsqu'il passa sa main sur sa taille et une vague de chaleur envahit alors tout son corps. - Mais-- et ta jambe ? Et depuis quand tu danses, toi ? - Déstabilisée, presque gênée, la rousse déglutit et baissa le regard. Elle savait très bien que s'il proposait, c'était qu'il supporterait, mais elle ne pouvait s'empêcher de veiller sur lui. - Tu sais que je ne suis pas la meilleure danseuse du monde, Rick. - Sa voix s'était faite plus timide, plus douce, presque inaudible, tellement elle semblait avoir peur de briser la magie de ces instants. Des instants où elle perdait doucement le contrôle. - Qui plus-est, je suppose que tu as fais exprès de ne pas me dire que je me trimballais avec du chocolat sur la figure...? - L'humour était son meilleur allié lorsque Patty semblait perdre pieds. Entourée de ses bras, elle se sentait tout à coup vulnérable, fragile. Plus les jours passaient et plus la rouquine avait du mal à refouler ses pensées qui parfois allaient au-delà de ce qu'elle imaginait. Dans un silence presque religieux, la musique les berçaient dans la pénombre et on aurait pu jurer assister à une scène romantique d'un film à l'eau de rose. Elle s'était arrêtée de gesticuler et suivait simplement les mouvements du jeune homme, sans vraiment y réfléchir. Cette situation était aussi déstabilisante qu'agréable et il était difficile de prendre une décision énergique... voir totalement impossible. Elle se laissait simplement guider, enivrée par ce parfum qu'elle sentait tous les jours, un parfum rassurant et délectable. Son parfum.

Non, il devait avouer qu'il n'avait pas vraiment été utile ces derniers jours. Il avait été plus occupé à boire et à se lamenter sur son absence, une activité à plein temps. Tout au plus avait-il vu Cal, qui ne semblait pas au meilleur de sa forme lui non plus. Décidément, c'était à croire qu'une malédiction s'était abattue sur le groupe, les plongeant dans une détresse palpable. Il ne savait ce qui l'avait poussé à agir ainsi non plus. Ce n'était pas le verre de vin qu'il avait bu pourtant, lui habitué à une ivresse plus grande encore. Ce n'était pas non plus le particulier de l'instant, car être près d'elle, il le voulait à chaque instant. Et ce, même s'il appréciait -beaucoup- les efforts qu'elle avait fourni. Non, c'était quelque chose de plus grand, de plus enfoui encore. Quelque chose qu'il se devait de taire, d'enterrer, et de ne jamais révéler. Mais la magie d'un noël à venir faisait déjà son oeuvre, et il se sentait transporté. - Le médecin a dit que j'avais besoin d'exercice. - C'était probablement la première fois qu'il écoutait ce que le médecin lui avait dit de faire. Mais là, en l'occasion, les conseils médicaux lui allaient bien, et lui fournissaient une excuse convenable. Qu'aurait-il pu dire de plus? 'J'avais besoin d'une occasion pour me retrouver près de toi, et même si je déteste la danse, j'ai rien trouvé de mieux pour le moment.' Non, définitivement non. Alors il entreprit de faire appel à ses vagues souvenirs de danse, même si leur prestation de ce soir n'apparaîtrait pas à l'écran. Il se devait de faire bonne impression. Au moins pour son estime personnelle d'éclopé. - J'ai appris, fut un temps. - Il ne refusait à prononcer le prénom de Gill maintenant, et surtout pas en cet instant privilégié. Elle aurait tout le loisir de remonter à la surface plus tard. Surtout lorsque Patty apprendrait qu'elle était revenue, et qu'ils s'étaient revus. Même par hasard. Cette musique avait le don de le transporter, de faire éclore en lui des pastilles d'euphorie. Il glousse comme un étudiant, et remarque que la trace de chocolat a disparu depuis. - J'ai pensé que c'était fait exprès, pour montrer à quel point t'es une cuisinière aguerrie. - Et il osait se moquer, le bougre, mais elle lui en laissait tellement d'opportunités. Il redevenait cet enfant joyeux, spontané et malicieux qu'il était autrefois. Même Cal ne le reconnaîtrait pas. Et c'est le cœur déçu qu'il entend la musique s'achever, dans quelques notes mélodieuses qui mettent fin à la danse. Il se sent gauche, tout à coup, comme dans l'incapacité de savoir ce qu'il devait faire de ses mains. Ce qu'il devait faire tout court, Patty dans les bras. Alors, il laisse le trou noir se former dans son esprit, l'instinct et l'audace se former dans son âme. Il n'a jamais été aussi proche d'elle, et il se force à s'arracher à cette vision enchanteresse, persuadé que dans une semaine il y serait toujours. Il sent son souffle, aussi peu rassuré que le sien, ce léger tremblement de corps entre ses mains. Il ne sait pas, peut-être, ou probablement pas. Et comme un papillon attiré par la lumière, son visage se penche, se rapproche, d'une lenteur étouffante. Son cœur bat à s'en rompre les os, il n'entend plus que lui, qui raisonne à l'intérieur des murs. Et l'électricité se décharge en lui, lorsque ses lèvres effleurent les siennes. Le sol se dérobe sous ses pieds, en réponse à ce baiser si chaste, si pur qu'il en a peur d'abîmer le secret. Il voulait que cet instant dur, éternellement, que rien ne vienne troubler le moment. Mais de lui même il s'arrache à cette étreinte, laissant un feu brûlant lui dévorer les sens. - Heu, je-- j'suis désolé Patty. - Piètre récompense. Adieu l'audace.

- i'm not tryna start a fire with this flame
but i'm worried that your heart might feel the same -

Si elle avait su qu'il allait la dévorer ainsi des yeux, elle aurait enfilé une jolie robe, se serait fait belle. Pour elle, c'était inconcevable que Rick puisse la voir autrement que comme son amie. Mais ce soir, la jeune femme avait l'étrange sensation que quelque chose avait changé dans son regard. Si bien qu'elle avait de la peine à soutenir le sien... Une force invisible la gardait pourtant au creux de ses bras, lui intimait de se laisser aller. Malgré son malaise, la rouquine lâcha un petit rire. - Beh oui, tu as raison, j'adore me promener avec du chocolat sur le visage, c'est très distingué et vraiment sexy ! - Il pouvait rire gentiment d'elle, tant qu'il riait. Patty aurait réalisé toutes les pires maladresses, si seulement il pouvait garder ce sourire éternellement. Malheureusement, la musique se termina, alors que la rousse semblait enfin se détendre. C'était trop lui demander de s'écarter maintenant, de quitter ce cocon si rassurant qu'il avait créé autour d'elle. Tout était simple avec Rick et en même temps si compliqué, si inaccessible. Pourtant, en cet instant, Patty avait l'impression qu'il n'existait qu'elle. Leurs regards se croisèrent, aimantés l'un par l'autre. La musique s'était arrêtée mais ils restaient là, immobiles. Qu'attendaient-ils au juste ? Elle l'ignorait, mais elle était effrayée à l'idée de battre un cil et que tout s'arrête subitement. Son esprit lui criait de s'écarter avant que cela ne la dépasse, mais ses yeux l'imploraient de ne pas la lâcher. Sa respiration se fait haletante alors que la profondeur de ses yeux la perdent un peu plus chaque seconde. La distance entre eux se rétrécit lentement, lui coupant encore le souffle à chaque nouveau centimètre. Son cœur menaçait de sortir de sa poitrine, incapable de bouger, allant jusqu'à prier intérieurement qu'il mette fin à ses souffrances. Les yeux fermés, ses lèvres se posèrent délicatement sur les siennes et Patty arrêta de respirer. Elle était complètement paumée. Pourtant, elle avait cette impression que rien n'avait jamais été aussi clair. Des centaines de pensées contradictoires lui martelaient l'esprit, mais la jeune femme les effaça l'espace de ce baiser. En cet instant, ce n'était plus sa tête ou sa raison qui décidait, c'était simplement son corps. Son cœur. Des picotements agréables lui remontèrent jusque dans les doigts, alors qu'elle répondit à ce baiser inattendu en resserrant son étreinte autour de son cou. C'était comme si une autre Patty avait prit possession de son corps, mais elle ne s'était jamais sentie aussi légère. Le retour à la réalité fut difficile et ce fut presque un déchirement de sentir qu'il s'écartait d'elle, qu'il l'abandonnait après l'avoir possédée. Portant ses doigts à sa bouche, elle effleura ses lèvres rosées comme pour retenir sur ses doigts ce qu'il restait de lui, comme pour s'imprégner de cette chaleur qui lui avait apportée et qui disparaissait d'un coup, la laissant là, pantoise. - De quoi es-tu désolé ? - Sa voix était presque inaudible, la tension lui écrasant la gorge. Elle ignorait pourquoi elle se laissait poser cette question, elle aurait préféré se taire, faire comme si de rien n'était, cela aurait été tellement plus facile. - Désolé de m'avoir embrassée ou désolé de ne pas m'avoir demandé la permission ? - Cette question était stupide, elle le savait. Il n'allait certainement pas répondre à cela et elle s'en voulait déjà d'avoir ouvert la bouche. Il avait sûrement raison après tout et s'il s'était excusé c'était certainement parce que tout ceci n'était qu'une erreur à ses yeux. Elle se sentit con. - T'as raison, laisse tomber (...) excuse-moi. - Dans un souffle, la jeune femme se résigna et baissa les yeux. Ils avaient l'air malin à s'excuser à tour de rôle... C'est le cœur lourd qu'elle détourna le regard et attrapa son verre pour le terminer d'une traite. Comme si cela allait lui permettre d'oublier cet incident, d'oublier cette étrange sensation qui la perdait dans un monde parallèle, que son cœur souffrait d'un mal inexplicable. Mais comment pouvait-elle oublier ? Cela lui semblait impossible, inconcevable, quand son corps lui, en demandait encore.

Il se perd entre les sermons de la raison et l'appétit de son cœur. Les lèvres de Patty sont la plus douce gourmandise qu'il ait eu à goûter, et la faim persiste à le tirailler. Il en veut encore, il en veut toujours plus quand il s'agit de la jolie rousse. Mais il reste maladroit, incertain, avec ce manque de confiance en lui qui exaspère ses amis. Quand se décidera-t-il à croire en lui? Probablement jamais. Et l'instant présent en était la preuve. Imbécile naïf qui ne trouve rien de mieux à faire que de s'excuser, comme s'il venait de commettre une faute. Alors qu'il n'en était rien. Il se félicitait, d'une part, d'avoir pris cette initiative. Et surtout, de réaliser qu'elle ne l'avait en rien rejeté. C'est probablement ça qui lui avait fait peur, l'abandon, le rejet. Un non catégorique. Au moins aurait-il été fixé. Mais son acceptation, son partage, le troublait d'autant plus. Que penser, après ça? Si ce n'est qu'il la désirait plus que jamais. - Probablement les deux, je suppose. - Sa voix est rauque, son souffle court, il s'essouffle sans parvenir à respirer pleinement. Sa poitrine se soulève et s'abaisse, discrètement, à un rythme affolant. Il aimerait trouver les mots, les gestes, pour qu'elle reste. Et surtout, pour que sa déception disparaisse de son visage. Tu n'es qu'un imbécile, Maynes. - J'suis désolé d'être désolé. J'aurai pas du m'excuser, c'était stupide. - Il ferme les yeux, pinçant ses lèvres sous sa bêtise plus fulgurante encore. N'allait-il jamais arrêter de s'excuser, et enfin se conduire en homme? Allait-il vraiment resté planté là, et ne pas s'embraser en s'emparant d'elle à nouveau? - Je sais que je suis maladroit, déso-- bref, je n'avais pas l'intention de te blesser. - Car il le voit, son regard d'oiseau peiné, son minois de chat désœuvré. Et il s'en veut, avec virulence, d'en être la cause. Ses pas s'éloignent d'elle à contre cœur, mais il a besoin de cette distance pour avoir les idées claires. Pour permettre à ses poumons de respirer, et aux battements de son cœur de se calmer. Quel effet as-tu sur moi, Patty? Il s'empare à son tour de verre pour en boire le contenu, espérant y trouver une once de courage, de virilité. Puis, enfin, il la trouve. L'inspiration. L'honnêteté. - C'est juste que tu me troubles, Patty, et je n'avais pas prévu ça. Après Gill, tu étais si jeune, tu semblais intouchable. - Son âme se libère peu à peu d'un poids trop lourd à porter, comme si ces confessions lui permettraient d'échapper aux feux de l'enfer. Mais jouer franc jeu pouvait ne lui apporter que des complications, il le savait. Mais pour ses yeux de velours, il se voulait à cœur ouvert. - Tu as su se faire lever le jour dans ma sombre existence, et voilà où j'en suis aujourd'hui. A te désirer, à vouloir te faire la cour. - Il a un léger rire nerveux tandis qu'il se ressert un verre, incapable de supporter autant de vérités sans un petit coup de pouce. J'ai l'air d'un ancêtre à te parler ainsi. Puis Gill s'impose à lui, et noirci son humeur. Reed se joint à la fête, troublant d'autant plus l'instant qu'ils venaient de partager. Trop d'obstacles, il avait besoin de s'asseoir, de faire une pause. De se laver de l'odeur de Patty, de la douceur de ses lèvres. De vider sa tête de ce désir qu'elle causait en lui.

Les voir maladroits face à cette situation rassurait un peu Patty, qui ne savait plus où se mettre ni quoi dire depuis que ses lèvres avaient touchées les siennes. D'ailleurs, elle ne put contenir un petit sourire lorsqu'il lui répondit. En fait, il ne savait pas plus où il en était qu'elle. - Et moi je suis désolée que tu le sois. - Ok, elle en rajoutait une couche, mais c'était certainement en pensant que cela détendrait peut-être un peu l'atmosphère. Après tout, la situation ne pouvait pas être plus gênante qu'elle ne l'était déjà. Si? - Je sais. - Dans un murmure, elle plongea ses prunelles claires dans les siennes, en espérant qu'il y lirait la sincérité dans son regard. Si elle paraissait peinée désormais, c'était parce qu'elle ne comprenait pas pourquoi il se sentait si mal pour un petit baiser. Si cela n'avait tenu qu'à elle, la rouquine aurait certainement prolongé cet instant et cela, même si elle se sentait quelque peu mal à l'aise. Car après tout, à qui avaient-ils fait du mal en faisant cela ? Personne. Mais le voir aussi désœuvré la plongeait elle aussi dans le trouble et Patty préféra s'éloigner. Pour faire passer la douleur que lui donnait son cœur qui désirait sortir de sa poitrine, elle s'empressa de terminer son verre. Un silence s'installa alors que les deux jeunes gens étaient chacun d'un côté de la pièce, comme deux imbéciles incapables de s'exprimer. Pourtant, Rick finit par reprendre la parole. La jeune femme se retourna gentiment pour lui faire face, le ventre noué. Les paroles de son colocataire lui donnèrent des frissons dans le creux du dos. Silencieuse, attentive, Patty buvait chacune de ses paroles, surprise par ses aveux. Elle ne s'attendait pas à cela. Une vague de chaleur parcourut son corps alors qu'un petit rire semi nerveux traversa ses lèvres à sa dernière phrase. - Me faire la cour ? - Dans un souffle, ses joues se tintèrent de rose alors qu'elle tentait de réprimer un petit sourire niais. Il voulait lui faire la cour, à elle. Mais pourquoi, ressentait-elle toujours ce trouble qu'elle ne pouvait expliquer alors qu'elle venait d'avoir une réponse pareille ? C'était censé être positif et pourtant, il paraissait toujours aussi perdu. Tout cela aurait pu être tellement facile... mais avec deux personnes comme Patty et Rick, tout ce qui était simple se transformait en compliqué. Allez savoir pourquoi. Doucement, elle termina la dernière gorgée de vin qui lui donnerait le courage manquant. Une fois l'avoir rejoint près du canapé, elle s'accroupit devant lui pour être à sa hauteur et posa timidement ses mains sur ses genoux. - Je suis jeune pour quoi exactement ? - Le menton relevé, ses jambes commencèrent de trembler. Elle ne sut réellement où elle trouva le courage de plonger son regard dans le sien en cet instant tant son corps semblait chamboulé à sa seule proximité. Mais elle voulait qu'il comprenne qu'elle n'allait pas fuir. Qu'elle serait là, même si tout devenait compliqué. Même si tout s'écroulait. - Je suis trop jeune pour m'intéresser à quelqu'un comme toi ? Trop jeune pour ressentir autre chose que de l'amitié envers toi, c'est ça que tu penses ? - Sa voix se brisa alors que ses yeux brillants cherchaient ceux de l'homme pour qui elle venait de se mettre à genoux. Car rien ne lui ferait plus mal que de le perdre, elle voulait qu'il le sache. - Pourquoi tu me dis de si jolies choses et que tu continues quand même à avoir cet air triste ? - Elle savait que tout était compliqué, qu'elle ne pouvait expliquer réellement ce qui se passait présentement, mais elle désirait comprendre. - Je sais que je ne suis pas elle. (...) Et-- je sais qu'elle te manque. - Elle se mordit les lèvres pour éviter de paraître triste et baissa le regard, résignée. Elle savait. Gill était toujours dans son esprit. Et Patty ne rivalisait pas. C'était peut-être ça, le problème. Elle n'était pas elle. Parler d'elle lui faisait mal, mais il fallait crever l'abcès pour pouvoir à nouveau le serrer dans ses bras, quelque-soit la finalité des choses, pourvu qu'il ne l'abandonne pas, petit oiseau perdu qu'elle était.