when it comes to you

La nuit noire est là, surplombant le ciel de Canterbury, d'épais nuages cachant la plus étincelante des étoiles. Et la jambe d'Ander tappe dans un rythme régulier, tendu, agacé, le parquet du salon des Kessler. Iggy est à la maison. Iggy est réjouissante. Elle chantonne, elle virevolte, elle a le sourire éclatant. Mais Raven n'est pas là et Ander sait combien la brune est le soleil de l'univers de sa sœur. Il sait qu'elles ne sont jamais l'une sans l'autre, surtout ces derniers temps. Mais Raven reste absente et Ander a ce mauvais pressentiment, en lui, qui vibre. Il lui serre les entrailles, il l'empêche de travailler avec tranquilité sur un nouvel article. Il en froisse d'ailleurs son dernier essai, dans son poing, formant une énième boule de papier qu'il jette dans la corbeille près de lui. Et Iggy passe une nouvelle fois devant lui et cette fois-ci il l'arrête. Elle est habillée pour sortir, une nouvelle soirée démente en perspective pour elle. Mais il ne peut la laisser s'en aller sans qu'elle ne lui dise ce qu'il se passe. Tu rejoins Orbach ? ne peut-il s'empêcher de lui demander, un sourcil en l'air, le visage impassible. Elle glousse presque. Oh non, je pense qu'elle va être bien occupée ce soir.. Enfin, peut-être qu'après son petit encas, elle viendra me dire bonjour et passer au repas consistant. Un regard appuyé, le sourire en coin, elle se délecte de savoir que sa meilleure amie va prendre son pied dans les heures à suivre, si ce n'était maintenant. Et sa mâchoire se serre, il ne répond rien, il la laisse s'en aller danser. Sa main tremble de plus belle à mesure que sa colère monte en lui. Une colère grondante, lorsqu'il imagine Raven dans les mains d'un autre. Sa peau si délicate, c'était à lui qu'elle appartenait. Il était le seul à lui apporter les frissons d'intense plaisir qu'elle devait ressentir dans ces moments là. Le seul à la toucher de la sorte, tout simplement. Et ses pas le menèrent jusqu'à sa moto sans qu'il ne le réfléchisse vraiment. Ander dépassa deux feux rouges et pris des virages serrés. Ses pensées étaient seulement tournées vers Raven. Et lorsqu'il fut arrivé sur le perron de la demoiselle, son imposant casque sous le bras, il sonna. Non pas une fois, non pas deux fois, mais assez longtemps pour alerter la maîtresse de maison jusqu'à lui. Alors elle ouvrit la porte, lui dévoilant au passage une nudité partielle derrière son kimono. Ces sous-vêtements qu'il ne reconnaissait que trop bien, qu'elle avait acheté à l'époque où ils se côtoyaient intimement. Et finalement, ce qui fit le plus de mal à Ander ne fut pas le fait de comprendre qu'il arrivait peut-être trop tard, mais bien simplement qu'elle ne le reconnaisse pas. Il ne lisait pas son identité, leur histoire, leur ancienne passion au sein de ses yeux. Tout cela ne vivait que dans son seul regard chocolat, exprimant pour une fois tous les sentiments l'habitant dans l'instant présent. La peur, la frustration, la colère, l'agacement. Il ne l'entendit même pas le renvoyer d'où il venait. Il était déphasé, comme spectateur de la propre scène qu'il venait de créer. Cette intrusion qu'il s'était permis alors qu'elle allait goûter au plaisir charnel. Et c'est cette porte se fermant sur lui, à son adresse, qui lui fit remettre les pieds sur terre. Alors sans réfléchir, il entra, laissant tomber son casque de moto dans le hall d'entrée, poursuivant le chemin qu'il avait fait tant de fois jusque dans sa chambre. Celle qui autrefois, lui appartenait aussi, tellement il y passait de temps. Il reconnut le moindre des détails de l'appartement, mais aussi ces draps où il avait lui-même reposé. Et l'autre était là. Cet homme, celui qu'il s'imaginait depuis les dix dernières minutes. Celui qui osait toucher à Raven. Et Ander remercia le ciel qu'il possédait encore son pantalon lorsqu'il le trouva sur ce lit.
Une moue remplie de dégoût sur le visage, la colère habitant désormais pleinement son regard, c'est le poing en avant qu'il avança vers cet homme, lui décochant très vite un coup au visage. Il ne visait pas particulièrement, il se contentait de frapper, une, deux, trois fois, toujours au visage, puis une dernière fois dans le ventre. Il s'imposait, lui, le mâle alpha. Lui, le seul qui avait le droit d'être dans cette chambre, cette position, cette intimité avec Raven Orbach. Il était bien plus imposant, bien plus robuste, le parfait gagnant. Mais avait-il vraiment le droit ? Ne l'avait-il pas perdu il y a un an de cela, alors qu'il partait à l'autre bout du monde, brisant tout ce qu'ils avaient construis ensemble Bien plus encore, il n'existait pas réellement pour elle. Tous leurs souvenirs ne résidaient qu'en lui. C'était comme si le rêve s'était effacé et ne vivait plus qu'en lui seulement. Le torturant, lui saccageant la vie par des pensées mornes, cette plaie béante nommée amour. Mais il savait pourtant qu'il n'aurait pas du tomber dans les filets de la jeune femme. L'amour, ce n'était pas pour lui, cela ne l'avait jamais été. Et le destin s'est bien fait prié de le lui rappeler, effaçant carrément les meilleurs mois de sa vie de la mémoire de la seule femme qu'il a jamais aimé. Et son poing tremble, comme jamais. Il a le souffle court, le regard glacial, contrastant avec la chaleur qui vit au sein de sa poitrine, cette flamme qui s'est éveillée lorsque l'adrénaline s'est emparée de ses membres. Il y a du sang appartenant à cet homme à la bouche ensanglantée, mais aussi de sa propre main abîmée. Il y a cette douleur lancinante qui lui revient, beaucoup plus forte encore. Mais elle est salvatrice, parce qu'elle est valable, pour une fois. Et il dépense sa douleur morale dans la douleur physique et cela l'apaise presque autant qu'un baiser. Presque. L'homme s'en va, l'homme fuit. Et Ander n'entend pas Raven, il ferme son attention. Il sait qu'elle est en colère. Il sait qu'elle lui en veut. Mais comment expliquer tout cela ? Alors, il s'approche d'elle. Quitte à jouer le tout pour le tout. Il plonge son regard dans le sien. Il inspire, il ne réfléchit plus. Sa main se glisse sur la mâchoire de la brune, laissant au passage des traces de sang sur sa peau si délicate, tandis que l'autre lui attrape la hanche pour la plaquer contre lui. Et son corps vibre, comme il n'a pas vibré depuis un long moment. Il ressent la moindre courbe du corps de la jeune femme, contre lui, toujours plus. Et il s'empare de ses lèvres. Avec passion. Avec fougue. Avec toute l'intensité qu'il peut lui donner, pour lui montrer combien elle lui manque, combien il regrette, combien il mourrait dix fois pour revenir en arrière. Comme si un baiser pouvait arrêter le temps, comme si un baiser pouvait lui rappeler tout ce qu'ils ont vécu.